Description

La « Haus Auerbach », située dans le quartier ouest de Iéna, est une des six maisons privées encore existantes que Gropius construisit en Allemagne. Anna et Felix Auerbach emménagent dans la maison en 1924. C’est la première et la seule maison construite dans le Nouveau style par Walter Gropius pendant le temps de son directorat du Bauhaus à Weimar.

La construction de cette maison marque l’engagement des époux Auerbach au côté des Modernes, puisque à cette époque le courant Bauhaus se trouve déjà verbalement attaqué par des populistes de droite antisémites. Rappelons que le Bauhaus se trouve contraint de quitter Weimar pour Dessau en 1925. Et c’est à ce moment que les époux juifs Auerbach, qui entre autre professionnellement ont déjà souffert des préjuges antisémites, décident cette construction.

Felix Auerbach (1856-1933) était physicien et avait obtenu en 1889 un professorat sans chaire de physique théorique . En 1923 seulement il obtient une chaire de physique à l’université de Iéna. Anna Auerbach (1861-1933), née Silbergleit, fille d’un gros commercant, grandit dans un milieu bourgeois juif à Breslau. Elle s’investit dans la vie culturelle et politique en particulier dans les organisations pour l’égalité des femmes et revendique leur droit de vote. Dans ses mémoires le journaliste Bruno Kisch lui accorde la place d’une animatrice dans le mouvement d’émancipation des femmes. Elle était présidente de l’association allemande centrale pour le droit de vote des femmes.

Les époux Auerbach s’impliquent au quotidien dans la vie culturelle de la vie de Iéna. En 1903, ils sont membres fondateurs de la société d’amis des arts de la ville de Iéna. Il faut mentionner ici que Edvard Munch réalisa un portrait de Felix Auerbach. Les époux Auerbach ne vécurent que 9 années dans leur maison. Dans la nuit du 25 au 26 février 1933 les époux Auerbach se suicident. Poussé par la montée du national socialisme, et conscient du mauvais état de santé de Felix Auerbach, qui avait vient de subir sa deuxième attaque cardiaque, les époux décident de mourir.

 

Architecture

La Haus Auerbach est la première maison du Gropius met en œuvre son système de construction par bloc et c’est la raison pour laquelle cette maison est un important témoignage du début du Neues Bauen en Allemagne. L’idée de cette construction par bloc était de réaliser la synthèse entre standardisation maximale et variabilité maximale, “Vereinigung größtmöglicher Typisierung bei größtmöglicher Variabilität”. Cette réflexion cerne l’ambivalence entre individualité et standardisation dans nos sociétés industrielles et il est à la recherche d’une solution au problème de l‘ habitat dans nos sociétés modernes.

La villa est constituée de deux cubes de tailles différentes interpénétrés. Le toit du cube inférieur orienté vers le sud est une terrasse. Sur le côté est, un élément supplémentaire est accolé qui constitue le jardin d’hiver, le toit duquel est le balcon de la chambre à coucher. Cette séparation entre cube nord et cube sud se poursuit à l’intérieur. Toutes les pièces habitées sont situées dans le cube sud, le cube nord rassemblant les pièces ménagères, les escaliers et les paliers. L’étage supérieur du cube nord est réservé exclusivement à la buanderie et au séchoir. À l’origine les eaux de pluie collectées sur le toit plat supérieur était conduite vers un récipient situe dans la buanderie et pouvant accueillir 1000 l d’eau.

Le jardin d’hiver est une construction en acier et en verre comprenant des fenêtres extérieures tripartites dans le sens verticales et horizontales. Les fenêtres intérieures qui donnent sur la salle à manger sont amovibles. Un mécanisme de levier issu de l’industrie permet d’ouvrir simultanément une rangée de fenêtre. La construction des fenêtres est adaptée à la fonction des pièces. On a évité de construire des fenêtres ouvrant sur l’intérieur. Les mécanismes d’ouverture des fenêtres sont divers: fenêtres basculantes avec du verre opale dans la salle de bain, fenêtres pivots au premier étage. Gropius n’utilise pas de fenêtres ordinaires.

Les murs externes, les plafonds et le cellier sont en pierre de Jurko. Il s’agit de plaques en ciment de laitier. Ces briques de laitier ont été fabriquées sur le chantier puis montées pour former un mur double pour augmenter l’isolation.

 

Les coloris des pieces intérieures

La villa Auerbach avec ses 37 couleurs différentes est la seule œuvre de Gropius avec une peinture murale authentique. Le plan des coloris de Alfred Arndt (1889-1976) a été complètement réalise contrairement à ce qui était admis jusqu‘ alors dans toute la littérature spécialisée. Le plan de Arndt traduit une haute complexité dans la colorisation, les couleurs franchissant ou respectant les arêtes, associant ainsi les surfaces d’une nouvelle façon. L’utilisation des couleurs n’est pas seulement un complément de la tectonique ni non plus un élément décoratif en soi. Alfred Arndt étudia au Bauhaus à partir de 1921, de 1929 à 1932 il fut maître et dirigea un temps la section peinture murale.

La reconstruction des coloris des pièces de la maison Auerbach remet en cause le cliché du Bauhaus comme architecture blanche. Le choix des pastels apport aux pièces – inondées par la lumiere – clarté et légèreté. En voici deux exemples: Face au plafond bleu clair les murs sont peints dans les tons oranges dans la salle à manger. Le plafond de l’ancien salon de musique est un rectangle dont une partie quadratique issue d’un des sommets du rectangle. Ce rectangle est de couleur turquoise. Le reste du plafond est dans un ton jaune. Le revêtement de sol, hier comme aujourd’hui un linoleum clair de couleur sable se montre discret face aux murs colorés.

Pendant que les couleurs intérieures se lient à l’architecture, celles des façades restent en retraits. Les seules peintures présentes sont le gris bleu des cadres de fenêtres et volets roulants ainsi que le rouge des balustrades, en fait des tuyaux de conduite d’eaux. Le revêtement de façade est un crépi minéral, mélange de sable, de calcaire et de mica qui lui donne une apparence claire.

 

La Rénovation

L’état de la maison était tout à fait ambivalent en 1994. D’un côté la maison pourtant déjà classée monument historique du temps de la R.D.A se trouvait dans un état pitoyable et ruinée. Le fait que le chauffage central soit tombé en panne en 1946 et que depuis seule quelques pièces de la maison avaient été chauffées de façon temporaire avec des poêles à charbon dont les tuyaux d‘ échappement traversaient les pièces suffira à vous en convaincre. D’un autre côté la pénurie en R.D.A a permis d’éviter que la maison ne soit “trop” renovée et que partie de la substance originale ne soit ôtée comme cela a été trop souvent le cas ailleurs.

Lors de la rénovation nous avons attaché beaucoup d’importance à l‘ authenticité. Comme depuis la construction en 1924, aucune opération de construction n’a eu lieu, la structure du bâtiment a été intégralement préservée et l‘ aménagement intérieur comprend également de nombreuses pièces originales sous la forme de placard, d‘ étagère, de poignée de fenêtre et de porte en corne ou bien encore d‘ un éclairage de plafond de chez Zeiss-Ikon.

La reconstruction a été soutenue par la Deutsche Stiftung Denkmalschutz ainsi que par l‘ office thuringien pour la protection du patrimoine à Erfurt.

Aujourd’hui, les propriétaires sont Dr. Barbara Happe et Prof. Dr. Martin S. Fischer.